T
om accorda un dernier regard, méprisant et dédaigneux, à sa victime. Ce soir, il avait servi la cause. Cette dévotion s’exprimait par un langoureux baiser, un baiser meurtrier par lequel il s’était approprié toute vie. Évidemment, une telle opération avait nécessité d’alléchants préliminaires. Toute l’après-midi, Tom s’était appliqué à séduire cette jeune Sang Bleu qu’il avait repérer non-loin du collège. L’adolescente, probablement en quête d’expériences, s’était laissée facilement impressionnée par son charme. Confiance aveugle acquise, Tom l’avait conduit chez elle pour conclure l’affaire. Le vampire avait profité de la proximité de la jeune fille pour assouvir un tout autre type d’envie avant de s’abreuver de son sang. Abuser de la naïveté d’autrui était l’une de ses activités préférées, surtout lorsque la victime possédait autant d’attraits. De cycle en cycle, il s’était développé un mode opératoire d’une efficacité remarquable, un mélange subtil de séduction et de glom. Ses cibles préférées, des Sang Bleus fraichement transformées n’y voyaient que du feu et se jetaient à ses pieds, l’implorant presque. Ne lui restait plus qu’à prendre plaisir à exploiter cette fascination. À ce niveau, il n’éprouvait ni remord ni retenue.

Son crime accompli, attisé par la nouvelle vitalité qu’il devinait en lui, il ferma la porte sur la scène macabre. Un curieux découvrirait probablement le corps d’ici quelques jours. Les Sang Rouge ayant tendance à ignorer ce qu’ils ne savaient expliquer, comme la découverte d’un cadavre vidé de son sang, lâcheraient l’affaire après une enquête bâclée et jamais le rapprochement avec lui ne serait fait. Cette pauvre jeune femme mourrait oubliée par les mortels à qui elle avait juré le respect. Lamentable fin.

Comme à chaque fois qu’il commettait une tromperie de la sorte, Tom voulu retrouver Hazel pour profiter de cette nouvelle ardeur, la nuit étant encore jeune. Ainsi, il regagna leur appartement, reprenant à sens inverse et à une vitesse folle les rues et ruelles qui le séparaient de sa dulcinée. En lui, la bête argentée se réveillait, cette nouvelle puissance l’enivrait, ses yeux prenaient leur couleur écarlate caractéristique. Cette sensation, il avait vécu à de nombreuses reprises, mais à chaque fois, à chaque nouvelle gorgée de sang, elle était renouvelée, décuplée. S’abreuver du sang des Blue Blood était une expérience exaltante, si bien qu’en comparaison celui des Sang Rouge ne devenait qu’un breuvage fade. Son instinct et ses pouvoirs débridés le menèrent rapidement à domicile. Il poussa la porte, près à s’emparer d’Hazel, mais celle-ci ne l’attendait pas. L’appartement était vide.

Cette constatation l’arrêta dans son élan. Ses émotions étant encore exacerbées par l’hémoglobine, la frustration remplaça l’excitation. Violemment, il regagna le hall de l’immeuble, décidé à attendre sa belle et à reprendre ses plans là où il les avait laissés. Où était-elle ? Elle était sensée patienter dans l’appartement, comme il lui avait ordonné.

Tom ne compta pas le temps qu’il passa à faire les cent-pas devant l’immeuble. Hazel tardait à arriver et c’était aussi bien pour elle, car à chaque minute qui passait le vampire retrouvait peu à peu de sa lucidité et de sa clémence. Le doute commença à s’insinuer : depuis quelques mois déjà, Tom sentait que sa douce avait perdu de sa joie contagieuse. Il ne s’en était pas formalisé, mais cette impression s’imposait maintenant, plus forte que jamais. Tom, maintenant rongé par l’inquiétude, s’imagina une multitude de scénarios catastrophe. Lorsque la voiture d’Hazel s’arrêta en face de lui, c’est sans davantage de cérémonie qu’il l’embrassant langoureusement, comme s’il n’avait pu profiter d’une telle proximité depuis des lunes.

Ce baiser lui redonna un peu de son impétuosité première, ces pupilles rougies témoignaient de son énervement. Il fit toutefois durer cette embrassade jusque dans l’ascenseur où la sanction tomba. Sauvagement, il se défit de la caresse dans laquelle il avait piégé Hazel.

« Où étais-tu ? » la questionna-t-il, ses yeux carmin trahissant sa consommation.

Mittiel ne possédait pas l’indulgence de l’ange de la grâce. Il ne tolèrerait pas qu’elle couche avec d’autres hommes, fussent-ils de vulgaires victimes. L’adultère restait, pour lui, un privilège strictement masculin. Le regard inquisiteur de Tom parcourait celui de Hazel, à la recherche de la moindre trace d’infidélité. Toutefois, il ne décela, dans ce regard d’une infinie beauté, que le doute, un indescriptible doute.

« Il y avait des embouteillages, tu connais New-York... »

Tom ne demandait qu’à croire Hazel, accepter ce mensonge maladroit et poursuivre leur marche voluptueuse jusque dans leur lit. Toutefois, malgré ses efforts, Tom n’était pas naïf. Il savait interpréter les signes : ce regard fuyant, cette tension, ce silence pesant et cette manière de l’enlacer révélaient le malaise de sa belle. Un malaise qu’il ne s’expliquait pas. Hazel dissimulait sa honte, c’était évident, mais de quoi s’agissait-il exactement ? Le vampire étant un menteur confirmé, il parvint à bannir toute trace de suspicions de son expression et accorder un sourire sincère à sa douce. Pour l’instant, Galadriel devait croire à une victoire, elle n’en serait que plus vulnérable par la suite.

« Comment s'est passée ta journée ? »

Tom ne lui accorda aucune réponse, il savait pertinemment que le silence valait plus qu’un interrogatoire minutieux et que sa dulcinée ne saurait supporter ce malaise longtemps. Ainsi serré contre elle, il pouvait sentir son pouls s’accélérer. Était-ce l’ombre de ce mensonge qui l’accaparait ou simplement cette enivrante proximité ? Impossible de déterminer la cause exacte et c’était parfaitement compréhensible dans les circonstances. Lui-même n’arrivait pas à résister ce magnétisme, cette attraction qui les amenait à se retrouver même au-delà de la mort. Il souhaita que ce moment ne termine jamais, mais l’infatigable mécanisme arriva à la fin de son cycle et les portes s’ouvrirent : le moment pour eux de quitter l’intimité de la cabine et retrouver la froideur du monde extérieur. En silence.

Tom ne pouvant se résoudre à la quitter totalement, il lui prit la main et tout deux franchir les portes coulissantes dans un même élan. Toutefois, malgré cette délicate attention, l’intensité du moment fut brisée. La magie dissipée, la réalité s’imposa en maîtresse : Hazel lui avait mentit. Conscient que le silence ne l’avantageait plus maintenant, que Hazel trouverait le réconfort et la distraction dont elle avait besoin dans les racoins du corridor les menant à leur appartement, il consentit à lui donner une réponse tardive :

« Ma journée c’est bien passée. Plutôt chargée, mais malgré les embouteillages j’ai pu arriver ici à l’heure. Dommage que tu n’es pas eu la même chance. »

Il avait prononcé cette dernière phrase avec une innocence calculée. De manière à ce que Hazel saisisse l’absurdité de son excuse sans toutefois lui accorder la confiance nécessaire pour le confronter sur le sujet et défendre son mensonge. Dire que certains Sang d’Argent avait vu d’un mauvais œil l’arrivée de Tom dans leur rangs considérant que la Parole était l’arme des lâches, que les mots ne gagnaient jamais de bataille, que seule la force brute le permettait. Ces imbéciles n’avaient rien compris. Ils n’avaient pas compris que c’était la parole qui était à l’origine de la guerre qui les nourrissait et qu’elle ne se limitait pas à un alignement plus ou moins adroit de syllabes. Mittiel, en tant qu’Ange de la Parole, savait pertinemment qu’un dialogue audacieux possédait deux facettes : le parlé et l’écoute. Un dosage efficace de ses deux parties permettait de convaincre, de berner et d’abuser de tout auditoire. La Parole était une arme, pas celle des lâches, mais celle des manipulateurs. Les rustres qui se contentaient de balbutier quelques insultes maladroites et des pousser des cris de rage n’étaient que des pantins soumis au charisme d’un homme encore plus dangereux, un homme comme lui.

Tom poussa la porte de la chambre et y pénétra, Hazel sur ses talons. Mécaniquement, il retira ses souliers et sa chemise, se disant qu’il serait plus facile d’obtenir des aveux si Hazel était concentrée sur les courbes saillantes de son torse nu plutôt que sur la cohérence de son discours. Par contre, si sa belle optait pour une stratégie similaire, il ne saurait résister plus longtemps, le Sang Bleu ayant, sur lui, des propriétés aphrodisiaques fulgurantes. Il alla se choir sur le lit et mima l’épuisement, ses muscles mis en évidence par sa posture. Dans bâillement feint, il regarda Hazel de ses yeux rouges qui témoignaient de son excitation et lui demanda, un large sourire aux lèvres et un ton innocent :

« Et toi, qu’as-tu fait de ta journée ? »

Au final, Tom se fichait complètement de la vérité. Tout ce qu'il désirait c'était que Hazel culpabilise et implore son pardon. Alors là, elle se livrerait totalement à lui pour cette nuit.

Elle attendit une réponse qui ne venait toujours pas, elle poussa un discret soupir de soulagement, mais préféra rester sur ses gardes. Mittiel savait jouer avec les mots et elle était bien placée pour le savoir. Elle profita de leur promiscuité pour se rapprocher discrètement de lui, plus l'attraction serait forte moins Tom pourra réfléchir clairement. Galadriel était née de la Lumière, mais elle avait côtoyé suffisamment les Ténèbres pour savoir que parfois il fallait savoir se servir de ses atouts.

Elle se délectait du délicieux courant électrique qui semblait circuler entre leurs deux corps pourtant éloignés. Sa moitié ne parlait toujours pas, Hazel pensait avoir triomphé mais l'absence de parole la mettait quelque peu mal à l'aise. Elle ne savait pas mentir et encore moins garder un mensonge surtout quand il s'agissait de cacher quelque chose à son Ange. Elle avait toujours l'impression d'être connectée à lui-même lorsqu'ils étaient éloignés, elle le sentait comme une présence, très ténue, mais tout de même là. C'était rassurant de le savoir toujours près d'elle, un sourire vint éclairer son visage et elle se laissa emporter par ce sentiment grisant quelques secondes, entre Ciel et terre. Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent et une brise glacée pénétra leur petite bulle, achevant sa destruction.

Le sourire sur le visage angélique d'Hazel se transforma en une petite moue contrite tandis qu'elle commençait à arpenter le couloir. Tom arriva à sa hauteur et glissa la main dans la sienne. Au contact de la peau de sa moitié des petits picotements se répandirent le long de son bras, ce n'était pas du tout désagréable, au contraire. Elle ferma un bref instant les yeux pour garder les idées claires tandis qu'ils approchaient de leur chambre d'hôtel. Enfin c'était plutôt un appartement qu'autre chose. Il était composé d'un petit hall peint dans les tons beiges avec juste la place pour une table et un placard intégré dans le mur ainsi que d'une salle de bain, d'une kitchenette et d'une chambre spacieuse. Inutile de préciser quelle était la pièce préférée des deux vampires.

« Ma journée s’est bien passée. Plutôt chargée, mais malgré les embouteillages j’ai pu arriver ici à l’heure. Dommage que tu n’es pas eu la même chance. » finit-il par répondre avec un peu de retard à tel point qu'Hazel avait presque oublié la question qu'elle avait elle même posée.

Elle pinça imperceptiblement les lèvres et rougit sans raison. Il avait une telle influence sur elle qu'elle arrivait presque à éprouver de la honte pour ce qu'elle avait fait. Ça serait pourtant si facile de lui dire où elle était mais, elle savait que ça ne lui plairait pas et il ne serait pas le seul. Hazel laissa Tom ouvrir la porte et elle se chargea de fermer derrière lui. Il était déjà dans la chambre alors qu'elle retirait ses hautes bottes pour les ranger contre le mur, bien alignées. Elle enleva sa veste pour la pendre dans le placard quand elle avisa le vêtement que Tom avait abandonné sur le sol, entre le hall et la chambre. Elle frissonna d'avance, pressentant ce qu'elle allait trouver derrière ce mur. Sous une pulsion elle retira son leggins, dévoilant ses jambes longilignes et bronzées, avant d'entrer dans la pièce.

Elle aurait pu s'attarder sur les magnifiques tableaux pendus aux murs, sur le bouquet de pivoines fraiches posées sur la table de chevet, sur le blanc immaculé des draps en coton égyptien, mais dès lors qu'elle avait posé les yeux sur lui elle sut qu'elle était perdue. Pour elle il était bien plus qu'un ange tombé du ciel venu s'échouer sur ses draps, la lune parant la peau de son torse d'une lueur argenté étincelante. Il était son ange. Captivée par cette candide vision, elle faillit ne pas entendre la question de Mittiel.

« Et toi, qu’as-tu fait de ta journée ? » demanda-t-il d'une voix douce -en apparence-

Hazel se sentant idiote plantée au milieu de la pièce s'avança innocemment vers lui, le chemin vers sa rédemption. Elle s'assit sur le lit, à quelques centimètres de lui et croisa ses longues jambes en passant une mèche de cheveux derrière son épaule, un geste bien rodé qu'elle savait faire passer pour naturel.

« Je...Je me suis baladé dans la ville. Je n'ai pas fais grand chose. » Elle fronça les sourcils pour se concentrer mais la peau nue de Tom si près d'elle la perturbait fortement.

Elle savait que demain il aurait tout oublié, tout pardonné. Ils s'aimaient à se mentir, à se détruire. Elle se tourna pour lui sourire et passa une main dans ses cheveux soyeux, effleurant la peau de sa nuque. Elle pencha la tête, attendant la suite, avait-elle réussit à le tromper ? Elle voulait un autre de ses baisers enflammés, ceux qu'il ne réservait qu'à elle, son lien éternel. Quand elle l'aurait obtenu, la nuit pourra commencer, c'était ainsi : un pardon pour un pécher.

À armes égales, une guerre était futile. Les antagonistes pourraient user des pires stratagèmes, fomenter les pires ruses, leur déconcertante égalité s’imposerait tôt ou tard. Infâme que ce combat où il ne serait ni le vainqueur, ni le perdant. Infâme que ces délictueuses jambes, qui dans leur marche enivrante, s’approchaient de lui. Attachée à elles, Hazel cheminait avec la même avidité, comme entraînée elle aussi par ce magnétisme ésotérique. Cette même force qui les condamnerait à une nuit frivole, intense. Jamais il ne saurait résister à cet appel sauvage. Dans cet état de béatitude, il ne constata même pas le ridicule de la situation : tous deux s’étaient appliquer à piéger l’autre dans les méandres du désir et voilà qu’ils y plongeaient, ensemble. Il sourit. Un sourire franc et vrai, témoin silencieux d’un amour maladif, d’un amour éternel au sens littéraire du mot.

Loin derrière lui le doute, le mensonge et la jalousie, son monde se limitait maintenant à cette image, cette vision sublime de sa dulcinée prenant place à ses côtés. Il l’observa, entre songe et réalité, entre lucidité et folie, croiser ses jambes et jouer dans ses cheveux d’or en franchissant les quelques centimètres qui les séparaient, un univers selon lui. Le jour où il éprouverait une pareille sensation en compagnie d’une autre, alors là il aurait trompé Hazel et trahi leur amour. Sauf que cette intensité, il ne la ressentait qu’avec elle et elle seule en était la seule digne. Les autres n’étaient que vulgaires catins, il le savait, l’essentiel était qu’elles ne l’apprennent jamais.

« Je...Je me suis baladé dans la ville. Je n'ai pas fais grand chose. »

S’il n’avait pas été sous l’influence du sang bleu, soit en pleine possession de ces capacités cognitives, cette réponse aurait été comme un phare dans la nuit, un repère pour retrouver son discernement et briser l’illusion du moment. Si les circonstances avaient été différentes, il aurait pu reprendre le contrôle et exiger la vérité, il aurait pu poursuivre son interrogatoire indirect. Peut-être aurait-il dû. Toutefois, il était trop tard, le point de non-retour avait été franchir et le recul, impossible. Soit, il n’assimila pas cette dernière information, cet ultime cri du cœur dissimulé derrière un mensonge maladroit, qui aurait pu jouer un rôle capital dans les évènements à venir. Sauf que l’avenir, il s’en fichait. C’était le présent qu’il voulait vivre et, dans le présent, il était avec Hazel et ils s’apprêtaient à goûter au fruit défendu, à croquer dans le péché.

Premier contact. Il sentit une douce main parcourir ses cheveux, effleurer sa peau. Lorsqu’elle pencha sa tête, un signe évident d’assentiment, il comprit que c’était à son tour de jouer. C’était le signal. De ces signaux qui engendrent des guerres, de ses signaux qui condamnent tout une race à l’errance, de ces signaux qui incitent à boire du sang bleu pour la première fois. Sans réfléchir, sans comprendre que c’est exactement ce que sa belle attendait, il l’embrassa passionnément. Il retrouva dans ce baiser la même fougue, la même attraction, que la première fois. Comme si le temps, en plus de n’avoir aucune emprise sur leur vie, ne savait atténuer leur amour. Ils étaient immortels et leur union aussi. Tom n’avait jamais réellement compris pourquoi les Sang Rouge ne vivaient leur passion qu’une seule fois, que le quotidien achevait leurs sentiments, alors que lui avait l’éternité pour en trouver une autre et oublier les précédentes. Pourtant, il retournait toujours vers Galadriel et vivait, à fond, cet amour. La stupidité humaine se résumait peut-être à ça, finalement : l’incapacité à réfléchir avec le cœur.

Sans doute il fallait se rendre à l’évidence, ce combat n’avait jamais été à armes égales. La supériorité de Hazel avait été manifeste. Tom jouait les durs et se complaisait à croire qu’il était le plus fort des deux et que Hazel était sa possession. Il savait, dans les tréfonds de son âme, la chose totalement inexacte. Lui n’était qu’un pantin. D’eux deux, c’était elle la plus fourbe et la plus manipulatrice, celle qui était capable de tout. Ainsi, dans un soubresaut, une ultime tentative pour retrouver un peu du contrôle qu’il affectionnait tant avant de s’enliser dans la proximité de leurs corps mi-nu, il lança, à l’aveuglette et sans réellement savoir pourquoi il en arrivait là, un dernier coup de fusil, entre deux baisers langoureux et passionnés :

« Je sais, Hazel. Je sais tout »

Que savait-il exactement ? Absolument rien, mais le penser le valorisait. Dès l’instant où il avait prononcé cette phrase insensée, il n’était, à ses yeux, plus une victime. Et pourtant…

L'appréhension était peut-être plus délicieuse que le baiser en lui-même. La tension qui remplit l'air, pesante, effrayante et pourtant la seule envie qu'elle avait été de s'en approcher encore plus. Diable ces douces lèvres qui prennent possession des siennes, qui lui font oublier qu'un jour elle avait vécu sans rêver de ces seuls instants. Elle ne parvenait plus à se rappeler les raisons qui la poussaient à s'éloigner de son unique amour. Au fond qu'étaient ces instants ? Des instants justement, des moments de quelques secondes à peine : aussi fragiles, sublimes et désespérés qu'un papillon battant des ailes pour contrer un ouragan.

Elle s'approcha de lui, effaçant l'ultime espace qui les séparaient, si infime, mais pour elle devenu si insupportable. Hazel, enivrée par ce parfum de luxure, déposait de petits baisers sur la joue de son ange en traçant de petits cercles tendres sur son épaule du bout des doigts. Elle pensait avoir gagné, évidemment une fois de plus Tom se débrouilla pour la surprendre.

« Je sais, Hazel. Je sais tout » déclara-t-il d'une manière si impromptue qu'il fallu une minute à Hazel pour comprendre de quoi il parlait.
Une protestation mourut sur ses lèvres qui réclamaient encore la caresse de celle du jeune homme. Elle reprit donc brutalement pied dans la réalité et baissa la tête pour voiler son visage de ses cheveux dorés. Bien sûr qu'il savait, comment avait elle put penser pouvoir le berner ? Il était une partie d'elle, à tel point qu'elle ne savait plus depuis longtemps où elle finissait et où il commençait. Elle prit une grande inspiration mais ce qui sortit de sa bouche n'était pas plus fort qu'un couinement de souris.

« Je...Je suis désolée. » Pitoyable. Ses joues rougirent imperceptiblement, mais dans la nuit un vampire pouvait voir comme en plein jour. Elle n'aurait pas dû disparaitre sans explication. Dans un ultime brin de rébellion elle tenta de le culpabiliser « Et puis toi tu le fais tout le temps ! » A son regard elle comprit qu'elle s'y prenait mal. Elle ne remarqua pas non plus que ses phrases, sorties de leur contexte pouvait être mal interprétées voir suggérer un fort quiproquo. « J'en avais tellement envie... » Elle ne pouvait plus s'empêcher de parler, pour justifier son écart de conduite, se faire pardonner. Il ne répondais toujours pas et elle commençait à se sentir bête et seule. « Dis quelque chose... »
Tout, mais autre chose que ce mutisme obstiné, barrière à son pardon. Elle caressa la joue de son bel apollon et tenta un petit sourire contrit, pas très convainquant. Elle avait peur de sa réaction, l'impression profonde qu'elle n'avait pas dit ce qu'il fallait. Un frisson glacé lui parcouru le dos, brisant son masque d'assurance. Elle voulait tellement tout effacer, ne pas être allée au bal, ne pas avoir pleuré ce qu'elle avait perdu. Mais elle n'avait pas prit en compte ce que sa damnation lui avait apporté. Lui. Ou plutôt Lui et Elle. Pour toujours.

Malgré ces siècles de sincérité, la confiance restait un phénomène vagabond, précaire et constamment tourmenté par les assauts du mensonge… ou de la vérité. Ainsi se profilait l’avenir : fragile. Avec l’expérience, Tom avait compris qu’il n’existait pas d’union parfaite, que l’obsession humaine pour souffrir et faire souffrir ne le permettait pas. Sa propre vie ne se résumait finalement qu’à cette passion de la douleur, à l’infliger au quotidien, puis à la subir auprès de Hazel. Puisqu’il fallait admettre l’évidence, sa présence le torturait, son amour inconditionnel le rongeait et la peur de devoir y renoncer, l’obsédait. Souffrir et faire souffrir, deux forces opposées et manifestement indépendantes, finissaient toujours par s’équilibrer, s’annuler. Ainsi, il avait fait mal en lançant cette phrase irrationnelle, maintenant, il allait subir l’inévitable retour.

« Je...Je suis désolée. »

Il se détacha, anéantit. Les secondes qui suivirent furent comme autant de guillotines qu’on aurait abattu sur sa carcasse fumante. Il constata la gêne sur le visage de Hazel, ce qui confirma ses craintes : elle avait réellement quelque chose à se reprocher, même s’il ignorait de quoi il s’agissait exactement. Sans doute cette culpabilité était reliée avec cet imperceptible sentiment d’inconfort qu’il pressentait chez sa belle depuis quelques mois déjà. Tom n’était pas totalement insensible aux ressentis des autres et son attention redoublait lorsqu’il s’agissait de sa douce. Depuis longtemps il savait qu’une pensée perverse l’accaparait, que le doute dont il ignorait l’origine et la nature la rongeait, mais jamais il n’avait imaginé que cette inconvenance se manifesterait. Mittiel s’était fait un devoir éternel de protéger l’Ange de la Grâce : contre ses ennemis, contre ses remords, contre elle-même. Au final, même si Tom ne se l’était jamais admis, il l’avait bridé, bâillonné. Il redoutait maintenant que ce premier affront ne fût que le début de son émancipation, un chemin long et tortueux qui l’amènerait loin de lui. Inversion des rôles : Tom ne la contrôlait plus, elle le contrôlait.

« Et puis toi tu le fais tout le temps ! »

Sûrement il avait mérité cet élan de rancœur, mais ne se l’expliquait pas. Le venin qu’il véhiculait ne pouvait émaner du cœur pur de Hazel. Tom ne put retenir un regard stupéfait, façade d’une tristesse qu’il s’appliquait à dissimuler. En une éternité, Galadriel n’avait jamais réellement abordé le sujet sensible de ses escapades nocturnes. Préférant probablement ne pas y penser et de profiter de son homme… pendant que lui profitait de d’autres. Une accusation comme celle que sa belle venait de proférer sous-entendait qu’il n’était pas le seul séducteur du couple. Il se sentait trahi, mais ne savait que protester, parce que lui, il le faisait tout le temps.

« J'en avais tellement envie... Dis quelque chose... »

S’en était trop ! Tom sentit l’inquiétant frémissement de la colère lui parcourir le dos, happant, au passage, son cœur blessé, achevant la dernière parcelle de compréhension qui y était accroché. Comment osait-elle ? Comment pouvait-elle avoir envie de d’autres hommes alors que lui était parfait ? Ne la satisfaisait-il pas pleinement ? Cette fois, plus aucune émotion feinte, ni innocence pré-calculée. La fureur franchit la frontière de sa gorge avant de se déchaîner sur ses lèvres.

« Tu me dégoûtes ! Désirer d’autres alors que je suis là, moi. Je ne sais pas avec qui tu as couché, ni quelle folie il t’a transmis, mais je souhaite pour toi que tu as achevé le travail… parce que je lui ferais subir bien pire que la mort. Il prit une pause, lui accordant quelques secondes pour culpabiliser, Et en plus, tu me renvois la faute… Tu penses vraiment que j’ai envie de ces Sang Bleu ? Elles me répugnent ! Mais si ma stratégie ne te convient pas, dit-le moi, j’en changerais. Je pourrais les attaquer en plein jour, les traîner dans une ruelle avant de les découper en petits morceaux. Je les forcerais à me regarder pendant que j’aspire le sang de leurs membres détachés… et, si tu es gentille, je te ramènerais même une main, comme amuse-gueule. Ça te plait, ce programme, chérie ? »

Il lui adressa un sourire carnassier et posa son regard empli de cruauté droit sur elle, comme prêt à bondir.

Hazel attendait. Parfois elle avait l'impression d'avoir attendu son Ange toute sa vie. Quand elle vit cette expression se peindre sur ce visage qu'elle aimait tant embrasser elle se rappela qu'elle ne devait jamais sous-estimer l'ange de la Parole. Son sourire n'était que façade, son calme apparent un écran de fumée. Elle se souvenait maintenant, que la colère de Mittiel était foudroyante, cette dernière se transformait bien trop vite en rage. Elle avait toujours été là pour le calmer. Mais que faire quand ces flots dangereux, qu'autrefois elle avait elle-même dompté, s'apprêtait à l'emporter ?

Elle aurait voulu rester forte, fière dans sa protestation. Cette nuit, assise sur le toit de sa voiture elle s'était sentie libre. Mais que valait une liberté sans personne avec qui la partager ?

« Tu me dégoûtes ! Désirer d’autres alors que je suis là, moi. Je ne sais pas avec qui tu as couché, ni quelle folie il t’a transmis, mais je souhaite pour toi que tu as achevé le travail… parce que je lui ferais subir bien pire que la mort. » Les mots sortirent si rageusement que le choc fut rude pour la jeune blonde. Elle avait tenté le diable et maintenant elle s'était brisée les ailes. Elle ne s'était arrêtée que sur le ton empoisonné de sa réplique, il fallu quelques secondes de plus pour que les mots arrivent jusqu'à son cerveau. Elle écarquilla les yeux devant la méprise monumentale qu'il y avait et rougit un peu. De colère, de gênes ? Surement les deux. Emporté par son élan Tom continua de parler et Hazel trop effrayée par son courroux n'osa pas le couper.

« Et en plus, tu me renvois la faute… Tu penses vraiment que j’ai envie de ces Sang Bleu ? Elles me répugnent ! Mais si ma stratégie ne te convient pas, dit-le moi, j’en changerais. Je pourrais les attaquer en plein jour, les traîner dans une ruelle avant de les découper en petits morceaux. Je les forcerais à me regarder pendant que j’aspire le sang de leurs membres détachés… et, si tu es gentille, je te ramènerais même une main, comme amuse-gueule. Ça te plait, ce programme, chérie ? »

La jolie blonde se tue. Et voilà nous y étions. Le fait qu'il aborde le sujet sensible de ses "rendez-vous" journaliers l'avait coupée dans les explications qu'elle s'apprêtait à fournir. Elle osa enfin lever les yeux vers lui et eu un instant le souffle coupé. La colère avait rougit les joues du jeune homme, ses muscles s'étaient raidis et ses yeux lançaient mille étincelles assassines. Le rayon de lune jouant sur sa peau ne faisait qu'accentuer la beauté glaciale du jeune vampire, lui donnant l'apparence sculpturale d'un dieu s'apprêtant à abattre la foudre de son divin courroux sur la Terre. Hors en l'occurrence ici les éclairs viendraient taper Hazel en plein cœur, il était temps qu'elle réagisse.

Pourtant, elle sentait que c'était le moment de dire ce qu'elle avait sur le cœur, il n'y aurait pas une occasion comme celle là avant longtemps et en terme vampirique longtemps pouvait tout aussi dire jamais. Elle se détourna pour s'arracher à la vision de son Ange tentateur pour rassembler le courage et lancer froidement.

« Excuse-moi de ne pas être enchantée que tu te donnes sans arrêt à des femmes qui ne sont pas moi. » Elle avait chuchoté la fin de la phrase pour contrôler sa voix. Elle l'avait dit ça y est. « Donc si je couchais avec tous les sang-bleus de la ville cela te serait égal ? »

Elle savait qu'elle s'y prenait mal, ce n'était pas son genre de s'emporter, contre son lien éternel surtout. Pourtant, elle se sentait libérée de quelque chose qui avait enflé en son sein depuis tellement longtemps. Le calme était revenu dans son esprit, elle était l'ange de la Grâce, comme toujours elle pardonnerait son Amour. Mais lui y arriverait-il ? Elle s'approcha de la baie vitrée pour admirer la vue, pour s'éloigner des ondes néfastes pour sa volonté qui émanait de Tom. Reprenant les paroles que ce dernier avait prononcées plus tôt elle chuchota « Je sais que tu es là. Seulement je suis là aussi. »

Elle lâcha un soupir et d'une voix plus forte et neutre elle déclara enfin la vérité dans un même souffle « Je n'ai jamais touché un autre homme que toi et je n'en toucherais jamais un. L'idée que cette pensé t'ai effleuré l'esprit me blesse profondément. J'étais en réalité au bal des Quatre Cents. Je regardais l'entrée des sangs bleus dans la salle depuis ma voiture. J'apprécie ta confiance Tom. »

Hazel regardait la nuit, les gens qui en dessous d'eux continuaient leur petite vie tranquille, ignorant du drame qui se jouait au-dessus de leur tête. Elle posa la main sur le verre froid et brillant, mais en s'approchant on pouvait apercevoir des traces de doigts, des petites imperfections, provenant de toutes les autres mains qui ont autrefois effleurés la surface. Au fond c'est à ça que ressemblait sa relation avec Tom, à une paroi translucide, parfaitement harmonieuse, un couple parfait. Mais quand on prenait le temps de s'y attarder on pouvait y voir les multiples fissures provoquées par le temps, par les sentiments.

Un déplacement de l'air indiqua à Hazel que Tom s'approchait, elle n'osa pas se retourner même si toutes les fibres de son être étaient concentrées sur les mètres la séparant de lui. Car évidemment elle culpabilisait. De s'être emportée, d'avoir fait que son Ange s'emporte, que la violence soit sortie de la sombre cavité où le couple l'avait soigneusement enfermé.

Le jour arrivera où l'oiseau en cage rêvera des nuages.

Elle ne pouvait nier plus longtemps, elle regrettait, profondément, indéfiniment. Mais elle ne pouvait regretter Mittiel, si elle pouvait rembobiner sa vie, avant la Chute des Anges sur la Terre, elle l'aurait choisit, encore et toujours. Mais Hazel cherchait quelque chose qu'elle pensait avoir toujours possédé : la liberté.
C'était comme voler bas dans un grand ciel bleu, le soleil l'appelle, l'enjoint de monter plus haut le rejoindre. Mais elle ne peut pas car, elle vole en cercle autour d'un unique point central, celui de son univers. La force qui l'a maintient au sol, qui l'empêche de tomber, mais qui l'empêche également de s'échapper.
Hazel sursauta légèrement quand une main hésitante effleura son bras, elle ne l'avait pas entendu approcher.

« Hazel. Que c’est-il passé ? Comment avons-nous fait pour en arriver là, à se mentir, à se détruire ? Je t’aime, moi. »

Quelque chose n'allait pas dans ses intonations, lui qui savait mieux que personne contrôler son adage. Elle tourna discrètement la tête vers lui et fut saisi d'effroi quand elle aperçut son visage dans un rayon argenté. Si elle ne l'avait pas vu de ses propres yeux elle ne l'aurait pas cru. Pourtant, ces larmes étaient réelles, délicates perles chutant indéniablement vers leur fin. Non. Non.
Elle tombait une nouvelle fois des nuages, elle atterrissait de nouveau sur cette Terre froide et solitaire, elle revivait ses cauchemars. Comment en étaient-ils arrivés là ? Hazel ne réfléchit plus, en fait il n'y avait pas à réfléchir. Son choix était fait depuis longtemps et il restait inchangé.
Elle s'approcha et l'étreint aussi fort qu'elle le put, il fallait qu'il sente qu'elle était là et que jamais elle ne cesserait de l'être. Elle enfouit son visage dans le cou de Tom, si près pour lui communiquer sa chaleur.

« Des siècles sont passés Mittiel. Nous sommes immortels, certes, mais nous changeons. Il est peut-être temps de suivre ce changement ?»

Elle avait employé leurs vrais noms, pas ces vulgaires accessoires humains qu'ils utilisaient chaque jour. Le moment était important, il allait déterminer tout des évènements à venir. Elle se détacha délicatement de lui, attendant sa réaction, l'appréhension lui nouant le ventre. Une larme s'était d'ailleurs échappée de son œil pour rouler librement sur sa joue. Elle posa une main sur la poitrine de Tom, à l'emplacement du cœur n'osant toujours pas le regarder en face.

« Je t'aime.» C'était quelques mots simples mais hurlant de leur pureté. C'était la seule chose qu'elle savait à coup sûr pouvoir affirmer sans honte, sans hésitation. Elle le savait, il ne pouvait en douter. Il ne devait en douter. Jamais.

Impuissant, Tom constatait l’ampleur de sa bêtise. En un soir, il avait sapé toutes les bases de son univers, massacré, sans s’en rendre compte, toutes les joies que le destin avait dressées sur sa route. Maintenant, il comprenait. Comprenait qu’il s’était montré indigne de la paix, que ses crimes faisaient de lui un être déchu, incapable d’aimer, d’être aimer sans souffrance. Il ne semait que la peine autour de lui, il ne fallait pas s’impressioner que le désespoir y naisse. Ainsi, le destin reprenait ses droits sur sa minable existence. Il n’était pas sot, dans son dessein, tout était planifié, quantifié et si Mittiel n’avait su profiter de sa générosité avare, il redistribuerait les joies, simplement. Qu’adviendrait-il de l’Ange une fois dépouillé de son lien ? Sans doute il chuterait, tomberait la déchéance et finirait par mourir de solitude. Si seulement il le pouvait. Car le hasard, complice de la destinée, avait merveilleusement bien fait les choses en le rendant immortel. L’éternité est longue, surtout vers la fin et lui devrait supporter chaque seconde de cette existence corrompue par le deuil, le deuil d’une vie qu’il avait gâchée.

Son regard souillé par les larmes scruta Hazel avec attention. Dans un glissement, il l’observa l’étreindre. Était-ce un ultime espoir à saisir ou seulement un dernier affront des circonstances ? Un adieu, peut-être. Si on lui en avait donné la force, il aurait figé le monde dans cette exacte position, laissant en suspend les conflits angéliques, la souffrance et la peine, ne profitant que d’un amour immuable et éternel. Cependant, le temps n’était pas un allié et les secondes continuèrent de fuir inlassablement. Bientôt, il devrait affronter la suite et il appréhendait avec l’angoisse la plus profonde, l’angoisse de l’homme qui risque de tout perdre.

« Des siècles sont passés Mittiel. Nous sommes immortels, certes, mais nous changeons. Il est peut-être temps de suivre ce changement ?»

Mittiel : dans une autre vie, c’était son nom. Il l’avait presque oublié. Par volonté, probablement, de voir partir avec lui le souvenir de leur vie avant la chute. Qu’ils auraient été heureux, au ciel à vivre loin de ces conflits, de ce doute perpétuel d’avoir fait le bon choix… mais ce privilège on leur avait dérobé par jalousie et une vengeance, nécessairement, s’imposait. Peut-être changeaient-ils, mais pourquoi devait-il être négatif ? Leur amour ne pouvait-il pas changer et devenir encore plus fort qu’à leur première rencontre ? Rien, dans le processus de l’évolution, ne permettait de retour en arrière de régression. Si le changement impliquait le recul, alors l’humanité aurait disparue dès ses premières générations. Pourquoi, eux, n’étaient-ils pas soumis à cette règle naturelle qui était sensé les aider plutôt que leurs nuire ? La seule explication qu’il trouvait à ses questions frôla son esprit avant d’en être expressément banni : et s’ils seraient plus heureux séparés ? Lui ne concevait pas sa vie sans Hazel, mais elle préfèrerait peut-être autre chose que cet amour qui la brimait…il n’avait pas le droit de la garder en cage, elle était bien trop précieuse pour être condamner à lui. Pris par ses réflexions, Tom n’avait même pas senti la main de Hazel glisser sur son torse nu et se loger sur son cœur. Il fit presque le saut lorsqu’elle dit, dans un murmure criant de sincérité :

« Je t’aime »

Le pouvoir des mots, de la parole, eut sur Tom un effet apaisant, une libération pour son âme : elle l’aimait. Dans un doux geste, il lui prit le menton et souleva délicatement sa tête, l’obligeant à plonger son regard dans le sien. Si les yeux étaient les miroirs de l’âme, la sienne était pure et d’une beauté inimaginable. Il se perdit quelques secondes dans leurs méandres avant de mettre en lumière l’évidence :

« Moi aussi. »

Il l’embrassa tendrement. Au final, il ne s’agissait pas d’un aléa du destin, mais bien de la volonté de deux individus libres... et amoureux.