Opale se demandait encore ce à quoi elle avait pensé lorsqu’elle avait accepté de participer à ce projet scolaire ! Son professeur de biologie était parvenu à la convaincre en utilisant la menace, la jeune fille avait une bonne moyenne mais était un peu trop souvent absente à son cours … Si elle ne prenait pas part à ce voyage obligatoire, elle risquait d’avoir de gros problèmes. C’est pour cette raison qu’Opale s’éloigna avec les autres lycéens de leur quotidien New-Yorkais. Aux yeux des professeurs, c’était une occasion d’enrichir les connaissances de leurs élèves. Pour ceux-ci, c’était le moment idéal pour faire la fête loin des réprimandes de leurs parents. Opale n’avait pas ce problème grâce à l’absence perpétuelle de son père mais elle était impatiente de voir les festivités débuter. Malheureusement tout ne s’annonçait pas si facile ! Plusieurs adultes étaient du voyage et comptaient bien ramener les jeunes en un seul morceau à Duchesne. Ils allaient passer la plus belle nuit de leur vie, eux aussi !

Ils s’enfonçaient dans la forêt et tout autour d’eux, il n’y avait que de gigantesques arbres et des bruits suspects. Opale tentait de dissimuler son appréhension, elle n’avait jamais campé ! Pourquoi dormir dans une tente lorsque l’on peut séjourner dans la plus belle suite de l’hôtel le plus luxueux de la ville ? Elle ne voyait aucun avantage à ce voyage ! Elle imaginait déjà tous les insectes qui rampaient un peu partout autour d’elle … Elle ne pouvait s’empêcher de penser à ces films d’horreur qui finissaient généralement en bain de sang. Tout à coup, quelqu’un posa une main sur son épaule et la jeune fille sursauta. Opale donnait rarement la possibilité à ses camarades de classe de s’amuser de ses faiblesses mais cette fois, ils sautèrent sur l’occasion. Elle leva les yeux au ciel et accéléra le pas, tentant de ne pas baisser les yeux pour ne pas voir dans quoi elle marchait. La forêt était vaste et ils auraient pu s’installer n’importe où mais le professeur de biologie sélectionna l’endroit parfait selon lui. Tout le monde se mit au travail, ils s’entraidèrent sous le regard amusé et moqueur d’Opale qui restait à l’écart, les bras croisés et le sourire aux lèvres.

La journée fut assommante ! Le prof de biologie leur fit faire le tour de tous les arbres et de tous les végétaux des alentours … Opale regrettait amèrement d’être venue, elle culpabilisait d’être si naïve. Certains tentèrent de s’éloigner discrètement du groupe mais les accompagnateurs étaient à l’affût ! Et ceux qui se faisaient prendre avec l’intention de quitter le troupeau ne manqueraient pas de purger leur peine en retenue dès qu’ils seraient de retour au lycée. La balade était agrémentée des plaintes et des soupirs des pauvres jeunes gens torturés par leur prof sadique. Ils ne rentrèrent que lorsque la nuit approchait et Opale avait bien trop peur de se perdre seule dans la forêt pour protester. Elle entra dans la tente qu’elle partageait avec Sharon, une amie tout aussi apeurée qu’elle. Toutes deux se lançaient des regards paniqués tout en souriant pour dissimuler leur panique. Soudain, deux grosses mains se posèrent sur la toile de la tente et les deux lycéennes hurlèrent à s’en rompre les cordes vocales.

L’une dans les bras de l’autre, elles s’aperçurent rapidement que leurs camarades de classe leur avaient joué un mauvais tour ! Les rires et les gloussements de ceux-ci se faisaient entendre à l’extérieur pourtant ni Opale ni Sharon n’avait l’intention de mettre un pied dehors. Elles s’écartèrent et chacune resta dans son coin, se demandant avec énervement pourquoi elles étaient venues. La blonde se lassa de ce silence et de cette peur qui lui rongeait les entrailles, elle était venue pour s’amuser et faire la fête ! Elle se déplaça jusqu’à l’ouverture et sortit, affrontant ses craintes. L’obscurité régnait sur les lieux et il n’y avait pas un bruit autour d’elle, Opale glissa une main dans ses cheveux et se lissa une mèche du bout des doigts, tentant d’écarter ses peurs de son esprit. Elle s’éloigna du campement et vit quelques lumières, il ne lui en fallait pas plus pour se précipiter vers eux.

« J’ai eu peur que tu ne viennes pas ! Tu aurais dû t’entendre hurler ! »

En voyant le regard noir que lui lançait Opale, l’amie cessa de parler et s’écarta. La blonde retrouvait peu à peu confiance en elle, elle se dirigea rapidement vers Maxime. Il était debout face au ruisseau qui coulait à ses pieds, son regard s’était perdu parmi les grands arbres. Opale posa une main sur son bras, il tourna le regard vers elle. La jeune fille lui souriait et elle lui fit un signe de la tête pour qu’il la suive. Ils se regroupèrent tous autour du feu de camp improvisé et les festivités pouvaient dès lors commencer. Ils n’en étaient pas à leur coup d’essai et bien que les professeurs aient été vigilants, ils n’avaient trouvé qu’une partie de l’alcool que les lycéens avaient amené. Après quelques premiers verres, la dispersion s’opéra. Opale restait assise à côté de Maxime qui venait de poser la main sur la sienne. Les élèves se levèrent ensuite et se jetèrent les uns après les autres dans l’eau, la blonde les observait en riant aux éclats. Elle n’avait aucune intention de les y rejoindre mais elle s’amusait beaucoup de leur situation.

Deux mains se posèrent sur ses hanches et elle esquissa un sourire, Maxime l’embrassa dans le cou. Les cris des autres lycéens qui s’amusaient dans l’eau alertèrent les professeurs et autres accompagnateurs, ceux-ci s’apprêtaient à débouler lorsque la blonde fut emportée par son ami dans la forêt. Courir dans l’obscurité totale parmi les arbres ne la dérangeait pas du tout lorsqu’elle était avec lui ! Opale trébucha et emporta Maxime avec elle dans sa chute, il en profita pour se hisser vers elle. Il s’arrêta à quelques centimètres de la bouche de la blonde, elle venait de poser les mains sur son torse pour l’arrêter dans sa démarche. Elle lui chuchota alors sur un ton paniqué :

« Max, je crois que j’ai vu quelque chose bouger là-bas entre les deux gros arbres ! »

Il poussa un profond soupir et se redressa, s’apprêtant à aller voir s’il y avait quelque chose mais Opale l’attrapa par le bras et le supplia de ne pas la laisser seule. Maxime lui prit la main et l’emmena avec lui, ils s’avancèrent vers l’endroit où elle croyait avoir vu une silhouette. La blonde ne put s’empêcher de se demander qui se ferait tuer en premier … Lui ou elle ? Mais lorsqu’ils arrivèrent entre les deux troncs d’arbres, il n’y avait personne. C’était largement suffisant pour rassurer Max qui se tourna à nouveau vers Opale et voulut reprendre là où ils s’étaient arrêtés. Elle détourna la tête pour ne pas l’embrasser et se défit de son étreinte pour jeter un coup d’œil à droite et à gauche. L’ombre avait disparue mais pourtant, elle était persuadée d’avoir vu quelqu’un ! Elle était prête à jurer que ce n’était pas un animal.

« Ne t’inquiètes pas, il n’y a rien ici et puis si quelqu’un s’approche, je te défendrais ! »

Max l’attira à lui pour l’embrasser et Opale se sentit en sécurité entre ses bras. Il la colla au tronc de l’arbre et cette fois, un bruit retentit. La blonde paniqua totalement et repoussa le jeune homme, elle lui prit la main et voulut s’en aller en courant. Lui, il riait encore de sa paranoïa. Un autre bruit retentit et Opale céda à sa peur, elle lâcha la main de Max et s’enfuit à toute vitesse. Elle courut dans la forêt, tentant de repérer un arbre familier ou le ruisseau. Aucun cri ne s’était élevé derrière elle et Opale se demandait si l’alcool dans son sang ne lui jouait pas des tours. Ses pas la ramenèrent au campement où elle put reprendre son souffle, épuisée et paniquée, elle balaya les environs du regard. Si elle s’était trompée, Maxime allait réapparaître d’une minute à l’autre et exploser de rire face à son angoisse inutile mais si elle avait raison, il était probable qu’elle ne le revoit plus jamais.

Naël n'arrivait pas à croire qu'il avait été embarqué là dedans. Tout ce qu'il désirait, c'était de s'occuper de ses petites affaires sans déranger personne mais le reste du monde ne semblait pas d'accord avec lui, enfin surtout le doyen de son université. Le jeune homme savait que celui-ci prenait très à cœur le bien-être de ses élèves, et surtout d'un élève aussi doué et prestigieux que Naël, mais il aurait préféré qu'il s'occupe de ses affaires.

Deux jours auparavant, l'honorable vieil homme l'avait convoqué dans son bureau afin de lui faire part d'un projet auquel il voulait que le jeune homme participe. Le lycée Duchesne, voisin de Columbia, avait en effet prévu une sortie camping pour un petit nombre d'élèves afin d'en apprendre plus sur la nature et d'éloigner quelques temps les élèves loin de la tumultueuse Grosse Pomme. Apparemment, Naël devait participer à cette sortie pour pouvoir côtoyer des personnes de son âge et faire au moins une fois l'expérience d'être le lycéen qu'il n'avait jamais été, et qu'il ne voulait pas être. Il avait, bien entendu, protesté avec virulence. Il n'avait pas le temps de se livrer à de telles bêtises, son emploi du temps était très lourd et prendre du retard lui serrait presqu'impossible à rattraper. Le doyen avait prévu ces arguments et lui assura qu'il pouvait aller à son rythmes, tout en louant son génie pour le flatter. Se fut finalement la menace d'en parler à son père qui fit fléchir le jeune homme.

Il était rentré chez lui, complètement furieux, et avait fait préparé son sac, empaquetant des vêtements un peu moins luxueux, tout en maugréant. Il n'avait pas envie d'aller camper avec une bande d'adolescents inconnus et certainement immature qui le traiteraient comme une bête de foire. C'était toujours ainsi que les gens de son âge le voyait et cela expliquait son désir de ne pas se mêler à eux. Le garçon préférait de loin fréquenter des personnes plus âgées avec qui il n'avait, presque, pas l'impression d'être une créature bizarre dès qu'il ouvrait la bouche. Sans compter qu'aller camper près d'une ville infestée de nosferatis et de Vultures n'était pas vraiment l'idée qu'il se faisait de la détente. Aussi, il prit bien soin d'emmener ses armes avec lui, se promettant de ne pas s'en défaire un seul instant.

Le lendemain matin, son chauffeur le déposa sur le lieu du rendez-vous avant de s'en aller, le laissant lin de la civilisation pendant quelques instants. Bien qu'étant venu à contrecœur, il salua tout le monde en souriant, comme tout jeune homme de bonne famille savait le faire. Il suivit le groupe vers l'endroit où le campement allait être établi et aida au montage des tentes. Se faisant, il remarqua la jeune blonde qui les regardait faire mais ne dit rien, il ne voulait pas faire d'esclandre dès le début du séjour malgré que cette attitude lui paraissait déplacé. Lui-même, malgré son éducation, savait se débrouiller seul et à aider et respecter les autres quand cela était nécessaire, sa défunte mère y avait veiller personnellement.

Le campement établit, le professeur qui les accompagnait annonça le début d'une promenade à travers la forêt. Naël n'écoutait l'homme que d'une seule oreille, non seulement il savait déjà tout ce qu'il disait mais il trouvait aussi la forêt plutôt reposante et préférait s'imprégner de cette atmosphère de paix. C'est en promenant son regard parmi ses camarades qu'il remarqua enfin Aurora, qui devait surement accompagné la classe. Décidément, depuis qu'ils s'étaient retrouvés, ils ne cessaient de se rencontrer, à croire que le Destin regrettait de les avoir séparer. Il lui fit un sourire et un signe de la main.

La journée passa rapidement et les plupart des adolescents ne cessaient de se plaindre de la longueur du chemin ou d'un mal de pied. Le jeune homme, qui ne ressentait aucune fatigue (ayant l'habitude d'un entraînement intensif), ne pouvait s'empêcher de lever les yeux au Ciel face à toutes ses simagrées. Ils arrivèrent enfin au campement alors que la nuit commençait à tomber. Naël s'empressa de se réfugier dans sa tente avec un bon livre, ne voulant pas se mêler aux autres pour le moment.

Il ne savait pas combien de temps il resta ainsi, mais il sursauta violemment en entendant deux filles hurler de peur suivit par des rires. Il s'agissait sans doute d'une blague mais l'étudiant ne put s'empêcher de sortir, prêt à dégainer ses armes au moindre signe suspect. La forêt, qui lui avait parut si reposante, prenait un tout autre visage la nuit, un visage inquiétant.

Silencieusement, il avança dans la forêt, remarquant les cadavres de bouteille sur le sol et les cris de joies des élèves qui s'amusait dans l'eau. Il haussa les épaules et continua son chemin en prêtant l'oreille. Il aperçut quelque chose du coin de l'œil mais le temps de tourner la tête, et cela avait disparut. Par précaution, il sortit une des épées saï qui se trouvaient dans ses manches et continua d'avancer. Des bruits de pas, bruyants dans le silence séculaire des arbres, se rapprochèrent de lui avant de se stopper. Accélérant le pas, il remarqua bien vite la fille blonde de tout à l'heure, le visage pâle d'effroi. Il rangea donc son arme derrière son dos, dans sa ceinture, et s'approcha d'elle en prenant soin de faire du bruit, histoire d'éviter de la prendre par surprise.

''Mademoiselle ? Vous allez bien ? Que se passe-t-il ?''

Ah les week-end de camp... Alana se souvenait très bien de cette époque dans sa propre vie. Elle n'avait jamais réellement aimé ce genre de fantaisie, trop timide pour se mêler aux autres, boire avec eux et s'amuser, tout simplement. Elle se tenait toujours à l'écart, les regardant et riant seule de leurs bêtises, s'amusant en les observant plutôt qu'en participant, parce qu'elle était trop peureuse pour se défouler de la sorte. Bien sûr, le plus souvent, sa grande sœur, Isaline, ne la laissait pas faire, l'emmenait dans son groupe d'amis et la forçait à se dérider, mais c'était rarement couronné de succès. Alana avait un tempérament discret de nature lorsqu'il s'agissait de se dévergonder avec des jeunes de son âge. Si elle avait su qu'un jour, elle serait celle qui pleurerait pour un câlin sous la couette avec son bien-aimé, elle aurait pris les devant, sans doute !

Quoi qu'il en soit, la nuit précédent le camp prévu avec quelques élèves de Duchesne avait été des plus calmes, puisqu'une fois de plus, Jayden Haxton, le jeune homme qu'Alana fréquentait de manière très platonique, puisqu'il se refusait à aller plus loin avec elle, n'avait pas voulu être plus intime. Elle n'en avait pas été déçue, elle s'y attendait chaque soir. Comme tous les soirs, elle avait tenté, mais comme tous les soirs, il avait refusé. Ils s'étaient donc limités à des bisous et des câlins gentillets avant de s'endormir dans les bras l'un de l'autre. Honnêtement, elle se demandait comment il tenait le coup. Cette proximité avec lui, son corps contre le sien chaque soir, cela la rendait parfois complètement folle. Il ne semblait pas dans le même cas, et elle avait bien peur de réfléchir au pourquoi... la réponse ne lui plairait certainement pas.

Elle avait donc fait son sac le matin même, se contentant d'un bisou affectueux en guise d'au revoir. Elle avait en effet accepté d'accompagner un de ses collègues, professeur de biologie, qui organisait un camp avec quelques élèves du lycée privé, loin de la folie de la ville. Surveiller les élèves dans de telles circonstances n'était pas des plus aisés, mais Alana avait un bon contact avec les jeunes de manière générale, et n'avait pas peur de les froisser un peu. Elle n'était pas dupe, elle savait qu'ils emmèneraient alcool et autres substances interdites, mais elle n'avait pas crainte de ne pas en venir à bout s'il le fallait.
Elle s'était abstenue de dire à Jayden que son ami Tom était également de la partie, mais cela la rassurait. Il avait un physique avantageux qui ferait écouter les filles, ou du moins les adouciraient, et une allure sûr de lui qui dominerait les garçons.

C'est donc avec son ami et d'autres professeurs que le petit groupe partit au cœur de la forêt. Ils passèrent du temps à observer les arbres et la nature dans toute sa splendeur, montèrent les tentes – bien que certaines se pensent dispensées de le faire, remarqua Alana – puis le feu de camp fut installé lorsque la nuit tomba. Alana faisait une ronde en compagnie de Tom dans les alentours du campement. Ils entendirent des rires et des cris, rien d'inquiétant, les jeunes s'amusaient et après tout, ils étaient là pour ça...
Toutefois, lorsque la jeune femme vit deux silhouettes s'éloigner du groupe, elle attrapa le bras de son collègue pour les suivre.

« Tom, ils s'isolent... viens ! »

Les deux jeunes gens suivaient les deux adolescents de loin, puisque ces derniers avaient un peu d'avance sur les deux adultes. Pourtant, la situation dégénéra rapidement lorsque la jeune fille prit peur. Elle s'enfuit, laissant le jeune homme seul. Alana ne savait pas lequel des deux il fallait garder à l'œil. Pourquoi avait-elle paniqué de la sorte ? La brune était inquiète... elle était bien placée pour savoir que les Vautours et les Sang d'Argent rôdaient, et cela n'augurait rien de bon. Elle n'avait aucun moyen de se défendre. Cependant, son ami à côté d'elle en avait un peu plus... Sang Bleu, elle le savait depuis peu, il ne craignait pas les Vautours, au moins.

« Reste près de lui, je la suis ! »

Bien qu'elle douta qu'il la laisse seule, elle partit vers la direction qu'avait pris la jeune fille. Elle était retournée au camp, et avait rencontré un élève qui n'était pas de Duchesne mais qui participait cependant à l'activité.

« Opale, ça va ? » dit-elle en reconnaissant la blonde. « Qu'est-ce qui s'est passé là-bas ? Qu'est-ce que tu as vu ? Et toi... ? Je ne me souviens plus de ton nom... tu as vu quelque chose ? Est-ce que ça va ? »

Elle était inquiète, l'ami d'Opale et Tom étaient toujours derrière, et curieusement, il n'y avait plus personne au campement. Elle fronça les sourcils. La situation avait pris une drôle de tournure. Il était plus prudent de retourner aux côtés du seul Sang Bleu en qui elle avait confiance, et suffisamment âgé pour les défendre.

« Venez avec moi, allons retrouver ton ami, Opale, et Monsieur Trout... ne nous séparons pas. »

Elle n'en dit pas plus, ne souhaitant pas alerter les élèves, mais elle devait bien reconnaître qu'elle n'en menait pas vraiment large...

Se retrouver ici n'était pas le projet le plus palpitant qu'Aurora avait planifié dans sa semaine. D'ailleurs, la décision ne venait pas vraiment d'elle. Sa Tante lui avait confié la mission délicate d'accompagner les élèves du Lycée Duchesne durant leur sortie en forêt afin non seulement de préserver le titre de bienfaiteurs qui était associé à la famille d'Aurora, mais surtout pour sensibiliser les jeunes vampires à la menace des Sang d'Argents. A ce stade, il était impératif de prévenir les nouvelles générations de ce danger grandissant...

La journée se déroula sans encombre malgré le désintérêt total des étudiants. Beaucoup d'adolescents se plaignaient de devoir marcher si longtemps pour au final ne faire que contempler des arbres qui, il fallait l'admettre, se ressemblaient plus ou moins. Cela faisait partie du deal : le camping, c'était aussi découvrir la nature. Aurora avait eu l'occasion de dialoguer plusieurs fois avec le professeur de biologie et, à part parler racines et feuilles, elle était navrée de constater qu'il n'avait pas beaucoup de conversation. Elle avait alors jeté son dévolu sur les jeunes lycéens qui, malgré leur âge précoce, s'étaient montrés plus intéressants. Certaines recrues Sang Bleus avaient sympathisé avec elle, ce qui l'arrangeait plutôt bien. La phase d'approche étant terminée, elle n'aurait qu'à caser le bourrage de crâne le moment venu. Plusieurs de ces jeunes vampires avaient des parents très sceptiques sur le thème des Sang d'Argents ; et à un âge où l'on fait l'opposé de nos aînés, ils seraient sûrement les plus faciles à convaincre.

Ce qui réconfortait Aurora, c'était la présence de Naël. Son fidèle ami avait été recruté malgré lui dans toute cette mascarade ridicule afin de se faire des relations parmi les gens de son âge. Lorsqu'elle en avait été informée par sa Tante, Rory n'avait pas vu l'intérêt de cette démarche : Naël était un jeune homme brillant et sociable qui n'avait pas besoin de ça pour avoir des amis. Mais ce n'était visiblement pas l'avis du doyen de l'université où il allait. Quoiqu'il en soit, il profita de leur arrêt au campement pour lui adresser un sourire et un signe de la main. Elle lui rendit son geste avec affection et se replongea dans sa propagande contre les Sang d'Argents. Vu le nombre de jeunes recrues, elle avait pas mal de travail...

Les choses se compliquèrent lorsque le soir se pointa. Les histoires d'horreur et les blagues de mauvais goût se multiplièrent tandis que certains partaient s'isoler dans la forêt. Dans un sens, c'était normal, l'intimité était une denrée rare au campement. Mais outre son rôle de moralisatrice Sang Bleu, Aurora était surtout ici pour cadrer ces jeunes, et jouer les policiers la navrait au plus haut point. Elle tenta de les ramener à la raison sans hausser le ton et sans utiliser le Glom, bien que ce ne fut pas l'envie qui manquait. Ses collègues tentaient eux-aussi d'éviter tout débordement, et elle remarqua parmi eux deux personnes qui se détachaient du lot. L'un était un Sang Bleu. Il avait une carrure massive et une allure intimidante, qui rappelait quelque chose à Aurora – l'avait-elle croisé au Comité ? Dans la rue tout simplement ? La jeune femme qui l'accompagnait était visiblement une familière, dont les traces de crocs dans le cou, presque imperceptibles pour un œil humain, apparaissaient comme une évidence pour Rory. Néanmoins, elle était désarçonnée de constater que des gens du monde vampirique étaient là aussi. Elle n'en avait pas été informée, et cela la perturbait. Ça ne lui déplaisait pas pour autant ; elle savait que sortir ces mômes était risqué, savoir qu'elle n'était pas la seule apte à les défendre ne pouvait donc que l'apaiser.

Des cris amplifièrent son angoisse, tandis qu'elle dialoguait avec une adolescente. Craignant le pire, elle préféra quitter la jeune fille pour rôder dans la forêt, à l'affût du moindre danger. En acceptant de venir, elle avait aussi mis un point d'honneur à les protéger de la menace dont elle essayait de les prévenir. En groupe, de la sorte, ils étaient une proie facile, vulnérable. Et la forêt était le lieu parfait pour les sombres desseins de l'Abomination. Alors qu'elle tournait autour des arbres à la recherche d'une trace suspecte, des sanglots et des intonations alarmées traversèrent le bois. Il ne fallut pas longtemps à Aurora avant de comprendre que ce qu'elle redoutait le plus était arrivé : l'un de ces mômes avait disparu. A l'aide du Velox, elle se rendit à l'endroit où les cris avaient été émis. Il y avait déjà plusieurs personnes là-bas dont l'une des accompagnatrices et son cher Naël – que ferait-elle s'il lui arrivait quelque chose ?

Le petit groupe voulait repartir, pour chercher Mr Trout et l'ami de la jeune fille épouvantée qu'Aurora avait aperçue durant la randonnée, une certaine Opale, lui semblait-il. L'absence du seul autre Sang Bleu ne servait pas à rassurer la jolie londonienne... Sortant de la pénombre qui la dissimulait, elle se décida enfin à prendre la parole. « Je vous accompagne », dit-elle d'un ton entendu. Sa mine était préoccupée et ses yeux scrutaient l'horizon avec méfiance, comme si elle craignait de voir apparaître un monstre d'une minute à l'autre. Aurora ignorait l'existence des Vautours, mais cela ne l'empêchait pas d'avancer d'un pas mesuré. Elle employa toute sa concentration pour se préparer à utiliser ses pouvoirs rapidement, dans l'hypothèse où cela s'avérait nécessaire.

Le cœur d’Opale battait à tout rompre, elle était persuadée qu’il y avait quelqu’un là-bas ! Et Maxime allait devoir affronter ça tout seul … Elle se sentait comme la blonde idiote des pires films d’épouvante, celle qui court dans la forêt puis tombe et se fait dévorer. Elle réfléchissait à ce qu’elle devait faire mais la solution la plus simple était d’avertir un professeur ! Elle avait repéré ce blond qui s’était baladé avec le professeur Huppert. Avec lui, elle se sentirait plus en sécurité ! Mais Opale n’eut pas à chercher qui que ce soit car elle entendit des bruits dans son dos. La lycéenne se retourna vivement et discerna une personne entre les arbres. La Red Blood tenta d’identifier le garçon qui approchait mais elle ne le connaissait pas. Il s’adressait à elle d’une voix posée qui la rassura, elle était encore en état de choc et n’avait aucune envie qu’on lui hurle dessus. Opale s’apprêtait à répondre à ce garçon mais le Professeur Huppert apparut alors d’entre les arbres. Elle posait des questions à toute vitesse et la lycéenne se perdait dans toute cette agitation soudaine.

« Je crois que … Il y avait quelqu’un dans la forêt ! »

Elle ne savait pas s’ils allaient la croire mais elle ne voulait pas rester seule ! Opale ne se soucia pas de l’accompagnatrice qui les rejoignit. Être entourée de ces gens lui permettait de diminuer son débit cardiaque. La Red Blood tentait de maîtriser ses pensées et de garder son calme, elle se repassa la scène mentalement mais ça ne faisait aucun doute ! Elle avait vu quelqu’un non loin d’eux et cette personne était probablement encore dans le coin. Opale observa les trois personnes autour d’elle et fut à nouveau prise de panique au point de penser qu’y retourner était une mauvaise idée ! Qu’allaient-ils pouvoir faire ? Les deux autres femmes étaient aussi frêles qu’elle-même et le garçon ne parviendrait à rien tout seul. Mais le groupe s’était déjà mis en route et à la simple idée de rester seule, Opale avait envie de hurler. Elle guida le trio avec elle jusqu’à cet endroit qui la terrorisait à présent !

Maxime était encore là et ne semblait pas avoir été attaqué, ce qui était une bonne nouvelle bien qu’Opale n’en démordait pas ! Elle jeta un regard paniqué à Alana, la seule personne du groupe qu’elle connaissait déjà avant cette expédition. Le blond proposa de retourner aux tentes, la Red Blood ne le connaissait pas mais avec lui, elle se sentirait moins en danger. Involontairement, elle jeta un nouveau regard à l’endroit où elle avait vu cette silhouette dans la pénombre et poussa un nouveau cri. Opale ferma les yeux et s’agrippa au premier bras qui passait par-là, elle n’en était pas sûre mais elle supposait qu’il appartenait à l’accompagnatrice Aurora. La lycéenne détestait de plus en plus ce voyage en forêt et elle ne manquerait pas d’avoir une longue discussion avec ce professeur de biologie ! Si elle s’en sortait vivante du moins …

« Vous l’avez vu ? Je vous en supplie dites-moi que vous l’avez vu ! »

Une larme roula sur sa joue et elle s’empressa de l’essuyer avant que quelqu’un ne l’aperçoive. Opale était égocentrique de nature mais cette fois, elle était persuadée que cette personne lui voulait du mal ! Si Maxime n’avait pas été agressé, l’homme dans la pénombre ne devait pas s’intéresser à lui. La Red Blood perdait tous ses moyens, elle ne s’était même pas aperçue que ses doigts se crispaient sur le bras d’Aurora. Elle ne parviendrait pas à s’endormir en sachant que quelqu’un rôdait dans le coin et attendait qu’elle ne baisse sa garde pour surgir. Opale lâcha enfin l’accompagnatrice, elle avait réalisé qu’elle pouvait lui faire mal. Elle se redressa et tenta de recouvrer son calme, ce qui était une tâche bien moins simple que ce que l’on pouvait croire !

Si elle ne faisait rien, ils allaient suivre les directives de cet homme et retourner sagement dans leur tente respective. Qu’allaient-ils faire s’ils retournaient au campement ? Monter la garde les uns après les autres ? Opale n’y croyait pas. Elle ne pouvait pas les laisser s’en aller comme ça et la peur lui dicta de réagir. La lycéenne agit donc spontanément en se dirigeant vers l’endroit où elle avait vu la silhouette. Elle ignorait s’ils allaient tous la suivre mais elle était persuadée qu’ils ne la laisseraient pas toute seule en pleine nuit dans une forêt qu’ils savaient dangereuse. Opale voulait absolument retrouver cette personne ! Elle ne saurait rien faire toute seule mais si elle parvenait à voir son visage, elle pourrait le décrire aux autres et tout deviendrait plus simple. Elle se retrouvait une seconde fois seule dans la forêt avec la forte impression qu’une paire d’yeux la fixait.

*Reste calme, les autres ne sont pas loin … Si tu ne l’avais pas fait, ils seraient retournés au campement et auraient fait comme si rien ne s’était passé !*

Opale se dit qu’elle aurait pu au moins prendre quelque chose pour se défendre ! Elle aperçut un gros bâton aux pieds d’un arbre et s’en empara. Ce n’était pas avec ça qu’elle se sauverait la vie mais elle n’avait que ça à portée de main ! Pour la première fois de toute sa vie, la petite fille riche et gâtée se fichait éperdument d’avoir des feuilles dans les cheveux, des insectes sur le bras et de la terre sur les chaussures. Opale entendit des bruits de pas derrière elle et même si elle risquait d’entendre quatre voix se plaindre à l’unisson de son manque total d’intelligence … Elle était heureuse de les retrouver.

Naël s'approcha de la blonde et attendit qu'elle lui répondre. Son silence ne faisait rien pour le rassurer mais elle avait l'air sous le choc, il ne devait pas al bousculer. Enfin, elle sembla sur le point de répondre quand un bruit se fit entendre suivit par l'apparition d'une femme brune. Le jeune russe la reconnue comme étant une accompagnatrice et un professeur du lycée Duchesne. Alana semblait paniquée et elle les inonda de paroles dès l'instant où elle les aperçut. Quand elle tourna son attention dur lui, Naël la salua d'un signe de tête et se présenta rapidement. Il n'eut pas le temps de poursuivre. La blonde se remit à paniquer et cru voir quelque chose dans les bois. A cet instant, Aurore sortit des fourrés et s'avança vers eux. Encore une fois, le garçon lui sourit avant de se rapprocher d'elle. Il ressentit un immense soulagement à la savoir là. D'abord parce qu'au moins, il n'avait pas à s'inquiéter de son sort, sans savoir si elle allait bien, mais en plus, malgré sa stature, Rory était tout à fait capable de se défendre (ils s'étaient déjà entraîner ensemble) et disposait en plus des pouvoirs des Sang Bleu. A eux d'eux, ils pouvaient protéger les deux autres jeunes femmes. Ils n'auraient d'ailleurs pas à se cacher de la brune car il avait remarqué les marques de morsures sur son cou.

Après ça, Opale, apeurée, se mit en marche et les guida vers l'endroit d'où elle venait. Elle tremblait de toutes ses forces si bien que Naël se plaça près d'elle, sa lame dans sa main, prête à agir (il avait cependant prit soin de la dissimuler à moitié dans sa manche). Une fois sur les lieux, ils rencontrèrent un jeune homme et un homme blond, un Sang Bleu visiblement. A l'instant même où il posa les yeux sur lui, l'étudiant se sentit mal-à-l'aise. Il ne savait pas pourquoi mais son instinct lui criait de ne pas lui faire confiance. Et lorsque le lycéen qui l'accompagnait débita un flot de paroles sur un ton mécanique, le regard hébété, et le regard que le blond et lui s'échangèrent ne fit rien pour le rassurer. Par mesure de précaution, il renforça ses barrières mentales, les rendant infranchissable (à moins d'être un très puissant Ange). Ils commençait à retourner vers le campement, quand Opale perdit tout contrôle. Elle avait vu quelque chose et ça la terrifiait. Elle broyait le bras de la pauvre Rory, son regard affolé regardant partout autour de lui. Puis, elle fit la chose la plus stupide et imprudente que Naël avait vu depuis longtemps. Elle lâcha Aurora et s'élança en avant, courant vers l'endroit où elle avait dit avoir vu un mouvement.

Ni une, ni deux, l'intermédiaire la suivit, sans savoir si les autres suivaient ou non. Lui même aurait préféré rentrer au campement où ils auraient pu rassembler tout le monde et monter la garde mais il était hors de question qu'il laisse une innocente se faire tuer, aussi écervelée soit-elle. Heureusement, elle faisait énormément de bruit et sa chevelure blonde reflétait l'éclat de la Lune, la rendant extrêmement facile à suivre. Il la retrouva enfin, debout au milieu des arbres, un bâton dans les mains et un air déterminé sur le visage malgré son corps tremblant de peur. Il ralentit un peu le pas, et s'apprêtait à l'appeler quand il aperçut quelque chose avancer vers elle, dans son dos, comme pour l'attraper.

''Attention !''

Au pas de course, Naël arriva à la hauteur de la blonde et la poussa, hors de portée. La force de l'impact les envoya tous les deux rouler dans les feuilles et l'humus. Naël ne perdit pas de temps et se redressa d'un mouvement fluide, arme au point. Il se tourna vers l'endroit où se trouvait ce quelque chose mais il avait disparut. Il sentit la peur commencer à monter en lui mais la réprima rapidement avant de s'adresser à ceux qui les avaient suivit.

''Cette fois, vous l'avez vu n'est-ce pas ? Il y a quelque chose dans ces bois. Quelque chose de mauvais. Nous ne devons pas, en aucun cas, nous séparer. Le mieux serait de rentrer au campement et de rassembler tout le monde. Personne n'est en sécurité.''

Il avait prit un ton plus autoritaire ais c'était nécessaire, surtout pour Opale. Il ne fallait plus qu'elle s'enfuit comme ça, sans quoi, on ne la reverrait surement plus. C'était ce que son instinct, ce que tout son entrainement, tout son être de Conduits lui criait et il écoutait toujours, toujours son instinct. Il allait ajouter quelque chose d'autre quand il trébucha sur une chose, comme un morceau de bois allongé sur le sol.