Une nuit d’ébats tourmentée par l’incertitude. Tom sentait que Hazel ne se livrait pas totalement à lui, qu’une parcelle de l’âme de sa dulcinée lui restait inaccessible, comme interdite. Une impression qui le torturait depuis quelques mois déjà, une frontière que même les plus délicates attentions n’avaient pu détruire. Tom ne se l’admettait pas, lui qui en amour, par son charme et son romantisme, n’avait jamais connu de défaites, mais il pressentait qu’il perdait peu à peu Galadriel, son amour éternel. Si seulement il avait la capacité de placer des mots sur ce doute constant, persistant, il pourrait comprendre l’état d’esprit de sa compagne, mais Hazel restait muette et lui ne savait trop quoi se reprocher.

Évidemment, des affronts, il en commettait. Mittiel n’avait jamais été l’âme sœur parfaite et ne se le cachait pas. De cycle en cycle, il éprouvait un plaisir pervers à charmer les adolescentes Sang Bleu, à profiter de leur innocence dans une aventure torride sans lendemain avant d’en boire le sang, les condamnant ainsi à une mort certaine et terriblement lente. S’amuser ainsi avec les Sang Bleus était devenu son activité préférée, une occasion de mettre en application son charisme et son romantisme, tout en servant la cause. Hazel n’ignorait pas ses activités nocturnes extraconjugales, mais ne lui en avait jamais réellement tenu rigueur. Leur amour était inébranlable, pour Tom, cela signifiait qu’il avait droit au pardon absolu. De toute façon, des sentiments, il n’en éprouvait que pour Galadriel, les autres n’étaient que des jouets, de vulgaires objets, entre ses mains de maître.

Pourtant, malgré cette certitude, le mystère restait entier. Tom était rongé par le doute, si lui n’avait jamais remis en question son statut de Sang d’Argent, il savait que Hazel, par sa sensibilité et sa gracieuseté, ne correspondait pas totalement au profil du Silver Blood type. La réserve de cette nuit exprimait peut-être ce regret, mais Tom préférait ne pas envisager cette possibilité. Pendant des siècles, leur amour était resté fort et s’était élevé au-delà du sang qui autrefois les séparait, maintenant ils étaient devenus indissociable, unis. Mittiel ne s’imaginait pas l’éternité sans elle et ignorait sa réaction si la situation devait s’imposée.

Devant des dilemmes comme celui-ci, Tom comptait généralement sur son frère en ce cycle pour le guider. Or, il savait qu’Olivier ne jouait pas dans la subtilité et que c’est des sévères réprésailles qu’il proposerait. Uriel avait toujours été son mentor, Mittiel l’admirait et partageait avec lui sa vision du conflit. Ainsi, selon ce que l’Ange de la terreur lui avait enseigné, Tom savait que les Blue Bloods aspiraient à un pardon qui ne leur serait jamais accordé. La révolte de Lucifer n’avait été qu’un prétexte pour bannir les Anges du Ciel, la jalousie restait le seul motif de leur condamnation et que dans ces conditions, aucun retour n’était possible. Se rallier à Lucifer, c’était témoigner de son mécontentement en assouvissant sa vengeance sur les entités qui les avaient injustement exilés ainsi que sur les Sang Bleu qui les imploraient. Prendre plaisir au meurtre et à la souffrance, c’était s’opposer aux valeurs lâches et aux règles médiocres du Comité. Boire du Sang Bleu, c’était affirmer sa suprématie sur le monde des Sang Rouge.

L’acte accompli, cette pensée en tête, il ferma les yeux. Fier.