L'argent peut tout acheter… Dans le cas d'Eric, ce vieil adage était d'ordinaire vrai. Du haut de ses trente cinq ans, il ignorait ce que le mot pauvreté voulait dire et il travaillait simplement par amour de… Par amour de quoi déjà? Être avocat impliquait d'être un bon orateur, sur ce point, le Sang Bleu n'avait pas de soucis à se faire, son sourire et son charme naturel faisaient habituellement l'affaire. Il fallait aussi apprécier les contacts et les rencontres et savoir les tourner à son avantage. C'était plutôt sur ce détail précis qu'Eric avait quelques difficultés. Asocial? Pas du tout, il s'ennuyait très vite et la plupart du temps lorsqu'on lui adressait la parole, il n'était pas là. Il était donc très difficile d'avoir toute l'attention de Mr Brown. Il ne savait pas si cela avait quelque chose à voir avec sa véritable nature mais depuis toujours, il lui fallait faire de gros effort pour n'effectuer qu'une seule et unique tâche et s'abandonner entièrement à cette dernière. Non. Avec lui il y avait toujours des "et si" et des "oui mais après" sans oublier bien entendu les "je retournerai bien me coucher". Avec lui tout était détail et infinies possibilités. Alors non, il ne pouvait pas tout avoir. Même avec sa master card bien rangée au fond de son portefeuille, à côté de ses effets personnels.

C'était ce qu'Eric se disait, un maigre sourire sur les lèvres, en parcourant les rues de New York. C'était l'un des moments où il se livrait à une activité totalement humaine, c'est-à-dire laisser ses pieds le porter sans avoir une destination finale en tête. Les enseignes de grandes boutiques lui faisaient face tandis qu'il avançait, son trench coat noir sur les épaules. Pas habillé pour la circonstance, il le savait, mais des nuages avaient décidés d'interrompre la semaine de beau temps de la ville qui ne dort jamais et Eric portait donc du noir. Avec une cravate rouge. Et bien entendu des chaussettes rouges. Il aimait croire qu'il se déplaçait d'une démarche élégante, ressemblant à la Grande Faucheuse qui serait venue rendre visite à ses très chers amis … les Mortels. Son sourire s'agrandit tandis qu'il s'arrêtait devant une vitrine, faisait mine d'envisager d'acheter l'un des costumes qui s'y trouvait. Il n'y avait en fait que deux choses qu'Eric désirait vraiment et que l'argent ne pouvait pas acheter. La première c'était une boite.

Et ne froncez pas les sourcils, c'était une métaphore. Une boite et pas un filet parce que le Sang Bleu savait très bien qu'il ne pouvait pas capturer l'Ennui d'un simple coup de chance. Une boite pour enfermer son ennemi de toujours après l'avoir leurré avec un habile stratagème. Très franchement, Eric ne savait pas comment faisait les humains aux quotidiens. En même temps, divertir signifiait bien se détourner de la Mort non? Sauf qu'une fois qu'on éliminait la plus grande source de peur et d'excitation de toute l'histoire de l'humanité, que restait-il? Un combat incessant entre membres de la même espèce? Eric était las de la fausse terreur qui régnait dans ses rues plus que banales, et très franchement, s'il voulait la place d'Edward, c'était uniquement pour la beauté et le divertissement de la chose dira t-on… Donc que lui restait-il? Pas grand chose en fait. Il n'était plus un ange, et il n'était toujours pas un homme. On le disait noble mais dans le fond, le Sang Bleu n'y croyait pas vraiment. Il était juste péniblement coincé et s'amusait à faire semblant. Tout comme il faisait semblant en fixant ce costume, en envisageait de l'acheter ou pas.

Et la deuxième… Hmmm… La deuxième chose était une personne et on ne pouvait acquérir quelqu'un en utilisant son argent, non? Non, surtout pas avec une femme avec autant de caractère. Eric eut un léger rire. Décidément, il n'aimait pas les choses faciles, de toutes les femmes, il fallait qu'il soit sous le charme de la seule qui ne voulait pas de lui. Il était intelligent et froid lorsqu'il le désirait et pourtant, elle arrivait à le déstabiliser. Comme quoi, même lui ne savait pas tout…